Bricklin SV-1
La voiture du Nouveau-Brunswick
Avant de parler de la Bricklin, la voiture, il faut parler de l’homme, l’Américain Malcom Bricklin. Né à Philadelphie en 1939, il s’est avéré être un entrepreneur de génie après avoir fait fortune dans la quincaillerie avec son père, en Floride. Il a par la suite vendu sa part dans l’entreprise Handyman America pour devenir le premier importateur indépendant de Subaru en Amérique du Nord à la fin des années 60. Il a aussi fait l’importation des produits de Bertone, de Pininfarina et de Yugo. Cependant, il est surtout connu pour sa voiture éponyme, la Bricklin.
Une voiture canadienne
Avant de se retrouver au Nouveau-Brunswick, l’aventure de Bricklin commence au Québec avec la visite d’une usine abandonnée par Renault. L’histoire raconte que Malcolm Bricklin craignait les relations houleuses avec les syndicats d’ici et a préféré s’abstenir. L’homme qui l’avait amené au Québec l’a ensuite présente au premier ministre du Nouveau-Brunswick Richard Hatfield. Nous sommes en 1972 et l’homme politique cherche à relancer l’économie de sa province. Les deux hommes se lient d’amitié et Malcolm Bricklin va convaincre Richard Hatfield d’investir trois millions de dollars pour lancer le projet Bricklin SV-1.
Deux usines mises sur pied
Deux usines sont nécessaires au projet ; une à Minto, pour la Carrosserie, l’autre à Saint-Jean, pour l’assemblage. Malcolm Bricklin sollicite Terry Tanner, ingénieur chez Ford, pour être responsable de la chaîne de production de la voiture. La cible de la nouvelle Bricklin n’est rien de moins que la Corvette. On lui trouve d’ailleurs des airs de Corvette à cette Bricklin. Lorsque Terry Tanner arrive à l’usine de Saint-Jean pour la première fois, il constate que la place n’est pas en bonne condition ; des trous dans le plancher, un endroit désert, de la machinerie désuète, etc. Il se rend ensuite à l’usine de Minto ; c’est pire. Il y découvre une boîte avec la machine à thermoformage nécessaire pour le moulage de la carrosserie. Il devait mouler la carrosserie dans une solution chauffante, dans une usine non isolée et avec de la neige à l’extérieur. Ça ne faisait pas de sens. Le bureau de Terry Tanner se résume à une feuille de contreplaqué avec une chaise. Les 1200 travailleurs embauchés ont peu ou pas d’expérience. Malgré tout, la première voiture sort de l’usine au début de l’été 1974. On visait à construire 1000 unités par mois, mais les meilleurs mois ont vu 500 modèles être produits.
Un 2e mandat pour Hatfield
Le premier ministre Hatfield, malgré l’ire de l’opposition, fera campagne pour sa réélection au volant d’une Brikclin en 1974. Élection qu’il remporta. Au fil des mois, la production va s’améliorer et s’accélérer, mais jamais pour atteindre l’objectif précité. En fait, le rythme visé est de 10 voitures à l’heure, soit 80 par jour sur un quart de travail de huit heures. L’usine de Minto ne fournissait pas assez. Terry Tanner a expliqué qu’en moyenne, c’est quatre voitures à l’heure qui étaient produites. Parfois, seulement deux. Le meilleur mois de production a vu 429 unités être montées. Les délais pour recevoir des pièces étaient longs. La portière en papillon hydraulique a été un sérieux problème et elle était lourde (95 livres). La qualité générale de l’assemblage laissait beaucoup à désirer et nous sommes ici très polis. L’aventure prendra fin abruptement en septembre 1975 à la suite du refus de la province de verser des fonds supplémentaires pour poursuivre l’aventure. En tout, 2854 Bricklin SV-1 (SV pour Safety Vehicle) ont été construites. Au moment de mettre fin à cette aventure, Brickilin avait reçu plus de 40 000 commandes et avait ouvert 400 concessions aux États-Unis, preuve que le style de cette sportive avait frappé l’imaginaire.
La Bricklin en quelques chiffres
Le rêve de Malcolm Bricklin était de faire la lutte à Chevrolet et sa Corvette avec un modèle futuriste. Il voulait allier sécurité et performance. Les modèles de l’année 1974 étaient équipés d’un moteur V8 de 360 pouces cubes emprunté à la marque AMC Ce moteur produisait 220 chevaux, mais AMC avait du mal à fournie les moteurs. C’est pourquoi, Bricklin est passé l’année suivante à V8 Windsor de 351 pouces cubes de chez Ford qui produisait 175 chevaux. Les portes en ailes de mouette et les panneaux en fibre de verre moulés avec pigmentation intégrée à même la fibre de verre ne nécessitaient pas de peinture. Mais le projet, qui aura coûté 23 millions de dollars à cette époque, n’a pas su être rentable.
- On estime qu’il reste environ 2000 Bricklin éparpillées un peu partout. D’autres sources estiment ce chiffre de façon plus conservatrice à 1100.
- Apparemment, la voiture n’avait pas de cendrier ni d’allume-cigarette. Malcolm Bricklin croyait que ce n’était pas sécuritaire de fumer et de conduire en même temps.
- Des premiers modèles, 137 auraient été équipés d’une boîte de vitesse manuelle à quatre rapports. Par la suite, une boîte automatique était livrée partout.
- Il est raconté que la voiture avait tendance à surchauffer en raison d’une ouverture trop petite pour le radiateur. Ça se corrigeait en augmentant l’ouverture. Les Bricklin toujours sur la route ont des radiateurs plus modernes.
- Si vous voyez un modèle 1976, il n’est pas sorti de l’usine. C’est qu’après le démembrement de l’entreprise, les voitures et les pièces non terminées (achetées par le liquidateur, Consolidated Motors, une entreprise de l’Ohio) ont été assemblées et vendues comme modèle 1976. Elles ne provenaient pas de la Bricklin Canada Ltée.
- Fait amusant : les propriétaires de Bricklin sont les bienvenus aux rassemblements d’AMC ou de Ford, selon le moteur qui repose sous le capot.
- La voiture a fait la liste des 50 pires modèles de l’histoire du magazine Time.
- Terry Tanner, un ancien ingénieur de Ford responsable de la production de la Bricklin, a plus tard déclaré que ce n’était pas la voiture qui était un échec, mais bien la compagnie. Pour lui, l’auto est un succès.
- En tout, 700 personnes ont à l’époque perdu leur emploi. Jusqu’à 1200 ont travaillé sur le projet. La fierté de ces derniers était très grande.
- Avec ce qui a été assemblé par la suite, le chiffre de production pourrait approcher ou dépasser les 3000 unités.
- De ce nombre, 12 voitures étaient sur la chaîne d’assemblage lorsque la compagnie a mis fin à ses activités. Les numéros de série de ces dernières les identifieraient comme des modèles 1976.
- Malcom Bricklin voulait vendre la voiture 4000 $. Plutôt, la facture a été revue pour 6500 $, mais la première fut vendue 7490 $. En 1975, le prix grimpa à 9980 $.
- Malcom Bricklin est toujours vivant. Il est aujourd’hui âgé de 81 ans.