Ottawa riposte aux tarifs de Trump, et ce sont les constructeurs américains qui encaissent

Le bras de fer commercial entre le Canada et les États-Unis s’intensifie, et les grands perdants suite aux contre-tarifs de 25 % imposés par Ottawa seront Ford, General Motors et Stellantis, les trois constructeurs de Détroit. Ces entreprises, qui dépendent fortement des véhicules assemblés aux États-Unis pour alimenter le marché canadien, se retrouvent au cœur du conflit.
Selon la firme Jato Dynamics, la majorité des véhicules vendus par ces trois constructeurs au Canada provient directement de leurs usines américaines. Résultat : ils seront plus exposés que tout autre acteur automobile.
Une surtaxe ajustée selon le contenu nord-américain
Les nouvelles règles canadiennes tiennent compte de la provenance des composants. D’abord, les pièces mexicaines sont exemptées. Ensuite, si un véhicule est composé de 80 % de pièces américaines et de 20 % de contenu canadien ou mexicain, la surtaxe ne s’appliquera que sur la portion américaine. Cela équivaut, dans cet exemple, à une taxe tangible de 20 %.
Toutefois, si le véhicule ne respecte pas les règles de l’accord AEUMC (USMCA), le tarif monte à 25 % sur l’ensemble de la valeur du véhicule.

Une pression croissante sur l’industrie canadienne
Le gouvernement canadien, sous la houlette de Mark Carney, a ouvert la porte à un système de « remise tarifaire » pour les constructeurs qui maintiendront ou développeront leur production locale. Une tentative d’amortir le choc, mais l’incertitude reste grande.
Stellantis a d’ailleurs annoncé la fermeture temporaire de son usine en Ontario cette semaine, citant directement l’incertitude liée aux tarifs douaniers.
Il faut préciser que le premier ministre Carney a déclaré la semaine dernière que toutes les recettes provenant de la perception des contre-tarifs « iront directement à nos ouvriers de l'automobile et aux entreprises concernées par ces droits de douane », afin de ne pas les pénaliser.
Des hausses de prix imminentes pour les consommateurs
Selon Brian Kingston, le PDG de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (qui regroupe GM, Ford et Stellantis), les prix des véhicules devraient grimper entre 6600 $ and 17 000 $ CA dans les prochaines semaines. En cause : les surtaxes, mais aussi la complexité accrue de la traçabilité des composants.
« On demande à l’industrie un degré de désassemblage de la chaîne d’approvisionnement jamais vu auparavant », affirme Kingston. « Les tarifs américains compliquent encore davantage la tâche aux producteurs canadiens. »

Un secteur en mutation, une dépendance mise à nu
En 2024, 44 % des véhicules légers neufs vendus au Canada provenaient d’usines américaines, rappelle Jato Dynamics. Le pays demeure massivement tributaire du marché américain, tant pour l’importation que pour l’exportation.
Pour Andrew King, associé principal chez le consultant automobile DesRosiers, les récents événements révèlent la fragilité structurelle de ce modèle :
« Malgré la rhétorique délirante et les calculs erronés de Washington, l’époque où le Canada était un exportateur net dans l’automobile est révolue. On découvre aujourd’hui les risques de concentrer 95 % de nos exportations vers un seul pays. »
Vers un réalignement du secteur canadien ?
Entre la guerre commerciale, la pression sur les coûts et les ajustements réglementaires, l’industrie automobile canadienne pourrait être à l’aube d’une reconfiguration majeure de ses priorités industrielles. Et si les constructeurs américains continuent de subir les contrecoups des décisions politiques de Washington, ils pourraient bien revoir leur stratégie nord-américaine plus tôt que prévu.
Contenu original de auto123.