Aston Martin
L’embellie
Dernier joyau d’une industrie automobile britannique tombée en décrépitude, Aston Martin appartient, avec les Ferrari, Maserati, Lamborghini et autres Porsche, au gotha de l’automobile.
On a peine à le croire. Fondée en 1913, cette marque a fait faillite sept fois et a connu autant de propriétaires. Conséquence, sa trésorerie a longtemps été chétive et le rythme de renouvellement de ses modèles, trop lent. Des histoires anciennes. Aujourd’hui, elle a retrouvé son indépendance et, depuis le tournant du siècle, elle révèle en moyenne un modèle ou une déclinaison nouvelle tous les 18 mois.
À long terme, l’entreprise prévoit construire jusqu’à 14 000 voitures par an, tant pour sa marque Aston Martin que pour sa nouvelle marque Lagonda, que la société relancera en tant que marque de véhicules électriques de luxe. Aston Martin commercialisera d’ailleurs une version électrifiée de la Rapide cet automne. La marque n’en produira que 155 unités.
Quoi qu’il en soit, cette Aston Martin Rapide E sera la première voiture du constructeur à être assemblée dans la nouvelle usine de St Athan, au Pays de Galles. Tout juste finalisée, la « maison de l’électrification » du constructeur accueillera également la production du futur DBX fin 2020, puis d’un autre VUS 100 % électrique dans le courant de l’année 2021. Toutefois, l’offensive du constructeur en ce qui concerne les véhicules zéro émission devrait décoller un peu plus tard avec le lancement de la version de série de l’étude Lagonda All-Terrain, dévoilée au dernier salon de Genève.
Mais Aston Martin prépare une autre révolution en parallèle. Soucieuse d’étoffer son offre, mais aussi de dissocier sa gamme GT de ses modèles les plus sportifs, la marque entend proposer une architecture à moteur central arrière. Comme la Corvette incidemment. C’est ainsi que la prochaine Vanquish sera le troisième modèle du constructeur de Gaydon, après les très exclusives et très coûteuses Valkyrie et Valhalla (également sous le nom de son concept : AM-RB-003). La conception de ces dernières, rappelons-le, se trouvait sous la supervision de Red Bull Advanced Technologies et son aérodynamicien, Adrian Newey. Autre nouveauté, la mécanique ne sera ni un V12, comme celui de la DB11, ni un V8 fourni par AMG, comme celui de la Vantage, mais un V6 turbo maison qui dérivera de celui utilisé en version hybride par l’AM-RB-003. Les caractéristiques de ce V6 n’ont pas encore été précisées à ce stade. Tout juste peut-on s’attendre à ce que la puissance de ce nouveau bloc soit suffisante pour que cette future Vanquish puisse rivaliser avec les Ferrari F8 Tributo et les McLaren 720S, soit aux alentours de 700 chevaux.
Actuellement, la marque compte parmi ses modèles iconiques la DB11, la DBS, la Vanquish, la Vantage et la Rapide.
Construites à la main, les Aston Martin, ce ne sont pas seulement des fiches techniques renversantes, une technologie de pointe et une ligne à se damner. C’est aussi et surtout une âme, une élégance à nulle autre pareille. Face aux marques italiennes de renom au style parfois trop m’as-tu-vu, la voiture oppose son sens de l’understatement, pour reprendre une expression anglaise. Ce qui lui vaut d’être confondu pour une autre…
Il suffit d’ouvrir les portières pour comprendre. Sur le seuil, une plaque métallique portant l’inscription « Handbuild in England » (construit à la main en Angleterre) donne une idée de ce que nous allons découvrir.
Se glisser dans une Aston, c’est pénétrer dans un palace somptueux, tapissé de matériaux aussi précieux que raffinés. La chaude sensation de volupté qui vous envahit quand vous vous installez à bord ne provient pas que de la splendeur des cuirs surpiqués, des moquettes haute laine, de l’élégance des pièces d’aluminium poli ou de la position de conduite naturelle. Comment ne pas tomber sous le charme devant cet habitacle que l’on dirait taillé sur mesure pour soi? D’accord, le tunnel de transmission est envahissant et les commandes ne sont pas toutes intuitives, mais ici le plaisir d’étudier le moindre détail est grand.
À l’exception de quelques commandes empruntées à la grande série, la trace de l’artisan est imprimée sur les formes et leur aspect apporte à cet intérieur un cachet inimitable.
Rien d’ostentatoire dans l’habitacle de ces autos, mais rien qui soit décadent non plus. La discrétion est de mise, autant dans la beauté des cuirs que dans celle des alliages ou des bois. Elle découle aussi de l’élégante sobriété des aménagements, du confort des fauteuils (avant) qui vous serrent comme une longue étreinte.
Au tableau de bord, que des boutons correctement identifiés que l’on actionne au besoin. Cependant, en faisant l’inventaire de toutes les commandes, on regrette l’absence de certaines d’entre elles. Par exemple, où sont les baquets réfrigérants? Les capteurs d’angles morts? Même les glaces refusent de monter d’un trait. Comment cela se peut-il sur une automobile de ce prix? Dans le coffre? Il y a assez d’espace, mais votre grosse Samsonite devra toutefois demeurer sur le trottoir.
Avant de s’élancer, un coup d’œil sous le capot. On y découvre un immense 12-cylindres de 6,0 litres et le nom de l’ingénieur responsable de l’inspection finale de la voiture inscrit sur une plaque. Au moins, on sait à qui s’adresser en cas de problème…
Bien calé dans son baquet, on desserre d’abord de la main gauche le frein d’urgence. Puis, de la main droite, on s’affaire à enfoncer la clé une sorte de gros domino en métal chromé et en verre dans la partie supérieure du tableau de bord. Musique! Les tuyaux d’orgue du moteur poussent leurs premières notes.
À l’exception sans doute de la Vantage, l’esprit Grand Tourisme à l’anglaise habite toutes les Aston Martin. Celles-ci apprécient une conduite plus coulée et tout l’art de leur conduite réside dans le passage des vitesses, qui doit s’opérer en douceur, sans le moindre à-coup. Menées avec doigté, elles restent, toutes, des monstres de puissance et de maniabilité. Leur châssis est moins affûté que celui de plusieurs concurrentes germaniques, mais on se sent tellement plus enveloppés et parfois même plus à l’aise au volant de l’une de ces anglaises.
Le confort représente également une surprise. Étant donné la faible hauteur des flancs des pneumatiques, les Aston absorbent généralement avec plus de calme et sans se laisser distraire les irrégularités de la chaussée. Le silence est tout aussi remarquable. Les bruits de roulement sont inexistants. La conduite sur une voie rapide se caractérise par une grande décontraction. Elles se comportent avec une suprême élégance. Sportives? Non, pas au sens strict du terme. Même si elles n’apprécient guère, ces Aston acceptent de se faire bousculer aussi, mais c’est beaucoup moins classe.