BMW M5 2005

BMW M5

Le nec plus ultra des berlines

Quelques jours seulement avant d’envoyer L’Annuel de l’automobile 2005 sous presse, nous savions que BMW s’apprêtait à dévoiler à la presse internationale la 4^e génération de M5, la plus puissante de tous les temps. Il était hors de question de vous en priver. Je me suis donc envolé vers Munich (quelqu’un devait se sacrifier…) afin de vous ramener la primeur qui suit.

Carrosserie

Nul besoin de s’éterniser sur le look d’une M5. Elle a tout simplement l’air d’un destrier dressé pour le champs de bataille, mais sans ostentation. Comme il sied à un « sleeper ». Le pelage lustré, les yeux à la paupière inquiétante, les ouïes latérales, le quadruple embout d’échappement, les jantes ajourées.

Mécanique

Sous le capot bombé, un V10, le premier à rugir dans une berline de série. Cylindrée de cinq litres, couple de 384 lb-pi, cavalerie de 507 chevaux. On parle ici de 100 CV au litre sans l’aide d’un turbo ou d’un compresseur! Une puissance accrue de 25% par rapport au V8 de l’actuelle M5. C’est trop? Enfoncez le bouton Power sur la console centrale et les 10 papillons électroniques qui contrôlent individuellement le mélange air/essence des cylindres ramènent la force déployée à 400 CV. Ce muscle exubérant est harnaché par une exceptionnelle transmission SMG (Sequential Manual Gearbox) à sept rapports pouvant travailler, au choix, en mode automatique ou manuel. Avec ce dernier, il suffit de cliquer la palette + ou – greffée au volant pour changer le rapport en 65 millisecondes, au milieu d’une symphonie divine! Parmi les aides électroniques, le DSC (Dynamic Stability Control) à deux programmes (plus ou moins sportif) et le EDC (Electronic Damper Control) pour modifier la rigidité des amortisseurs confèrent à la M5 une agressivité toute en subtilité.

Habitacle

Un intérieur massif et sobre, orné d’aluminium brossé ou de bois laqué. La ceinture de caisse est haute, telle un bouclier. Les cuirs sont épais et tissés serrés. Le volant solide comme le roc se maîtrise pourtant du bout des doigts. Les baquets jouissent de réglages tous azimuts pour retenir le corps sans lui imposer un carcan désagréable. Ils sont chauffants mais ils leur manquent la ventilation incorporée au dossier. La banquette arrière, divisible 60/40, a été élaborée autour d’un dégagement de loin supérieur à celui d’une M3.

Comportement

Elle a beau avoir une gueule modestement infernale et autant de bidules électroniques que la NASA, une M5 révèle sa vraie personnalité sur la route. En fait, que diriez-vous d’une autobahn sans limite de vitesse? Mais d’abord, nos hôtes allemands ont eu la brillante idée de nous amener à une base militaire. Sur une piste habituellement réservée aux avions (certains continuaient d’atterrir plus loin!), j’ai d’abord pu mesurer la vitesse maximale de la M5. Le constructeur annonce avoir électroniquement bridé le V10 à 250 km/h, mais le préposé de BMW qui se tenait à côté de la M5 que je m’apprêtais à catapulter m’a prévenu que le cadran m’indiquerait plutôt 270 km/h. Je n’avais pas le choix, ma conscience professionnelle m’obligeait à vérifier qui disait vrai!

J’ai programmé le Launch control (démarrage automatisé), un mode de départ jusqu’à tout récemment utilisé en F1. On peut alors préparer son élan en enfonçant l’accélérateur au maximum sans que le moteur révolutionne au-delà de 4 000 tr/mn, Tant que je retiens le sélecteur de programmes, l’auto ne bouge pas d’un poil mais le V10 chahute. À go, je laisse aller le sélecteur et c’est parti mon kiki! Les roues arrière s’agrippent à l’asphalte au prix d’une poussière de caoutchouc inévitable et le formidable couple me propulse. Avant d’atteindre 8 500 tr/mn, j’utilise la palette pour passer en 2^e, puis en 3^e, 4^e … À chaque reprise, les Continental de 19 pouces mordent davantage dans le tarmac et me plaquent au dossier. Le son est délirant.

Ça y est, je suis à 270 km/h! J’ai encore le pied droit au tapis mais l’aiguille refuse d’aller plus haut, les soupapes flottent. C’est le préposé qui avait raison. J’ai atteint 100 km/h en 4,7 secondes et j’en ai mis moins de 10 autres pour dépasser 200. Mais il est maintenant temps de freiner car j’aperçois le bout de la piste. La M5 a besoin de 140 mètres pour passer de 200 à 0 km/h, je ne prendrai pas de chance. Les énormes disques de 374 mm accomplissent un travail herculéen.

Deuxième exercice : parcours de slalom. Je le fais en mode manuel et automatique, avec et sans DSC (je verrai alors des pilotes un peu trop enthousiastes se payer de jolis 360!). Je suis convaincu : les 507 chevaux sont réels, tandis que l’agilité du monstre est phénoménale. C’est d’ailleurs toute l’essence de BMW : de l’agressivité dans un gant de velours. La Série M pousse cette union de vertus en apparence contradictoires vers des sommets inaccessibles à la majorité des autres constructeurs. Je suis maintenant prêt à affronter le trafic allemand. Où est l’autobahn?!

Lâcher sans surveillance aux commandes d’une M5, on peut faire deux choses plutôt intéressantes. La première consiste à aller le plus vite possible. Oui, encore. Sur certaines portions d’autobahn, j’ai effectivement renoué connaissance plusieurs fois avec ma propre limite de 270 km/h. Heureusement que les Allemands sont habitués. S’il fallait que les Québécois se fassent dépasser ainsi, plusieurs en feraient une syncope (quoique, vu l’état de nos routes, je m’envolerais avant).

La deuxième activité rigolote consiste à dépasser. Ma foi, je pense que c’est encore plus amusant. La bête a du coffre, je vous le confirme. Et la SMG est un bonheur à taquiner. Lorsqu’on rétrograde, le moteur monte d’abord en régime, exactement comme un talon-pointe parfait. Mais ce n’est pas tout de rétrograder à la perfection, surtout si la voiture le fait pour vous. Encore faut-il avoir les réflexes aiguisés. La M5 donne tellement de puissance à son conducteur que ce dernier peut pêcher par excès de confiance. Il s’engage dans une voie pour effectuer un dépassement, le dixième de suite dans un trafic lourd, quand tout à coup une voiture en sens inverse sort de nulle part. Il faut garder son calme, freiner solide et réintégrer sa ligne d’un coup de volant pareil à un coup de scalpel. Il faut avoir le réflexe alerte et le cerveau hyper clair pour épuiser les possibilités de la M5.

Conclusion

La M5 se pointera chez nous à l’automne 2005 en tant que modèle 2006. Anticipez un prix de détail d’environ 125 000$. Supposons que vous en avez les moyens, dites-moi donc où vous pourrez rouler à 270 km/h au Québec? Je sais, il vous restera la deuxième jouissance, celle de dépasser à satiété. J’oubliais aussi la chance de vous rendre au boulot calmement, sans défier les forces de l’ordre. Car les dirigeants de BMW sont sérieux : la M5 est aussi destinée au quotidien. Petits coquins, va!

Forces

Tout simplement une berline d’exception

Mariage consommé de brutalité et agilité

Qualité de chaque élément, de chaque ingrédient

Faiblesses

Prix et disponibilité élitiques

Entretien sans doute très coûteux

Commande iDrive encore inutilement complexe

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