Ferrari 812 2018

Ferrari 812 Superfast

Tabar…

Par David Booth

Je sais, je sais. Je ne devrais pas sacrer comme un bûcheron, surtout lorsque j’écris, dans le cadre d’un essai routier, sur un bolide de luxe de plus de 350 000 $. Mais avant que vous ne décidiez d’envoyer une montagne de bêtises à mon rédacteur en chef, j’ai une question en fait, une série de questions pour vous. Avez-vous déjà fait un saut en bungie? Tiré avec une AK47 en mode automatique ou encore effectué un 360 degrés dans un CF18? En fait, voici ce que je veux réellement savoir, et soyez honnête dans votre réponse. La première fois que vous avez fait un saut dans l’inconnu ou accompli un acte de foi, une activité à haut taux d’adrénaline qui vous a sorti complètement de votre zone de confort, devant la surprise de l’acte, quels ont été les premiers mots que vous avez prononcés? Soyez honnête, ce n’est certainement pas « Diantre, comme on s’amuse ». La retenue dans la parole s’applique mal à des situations extrêmes et le blasphème est souvent la première réaction. Je n’ai jamais compris pourquoi on saute en bas d’un pont avec une corde attachée aux pieds, j’ai peur des armes à feu et je n’ai jamais pris place à bord d’un avion de chasse. Mais j’ai accéléré à fond dans la nouvelle Ferrari 812 Superfast (un nom qui lui va bien) et ma première réaction a été un blasphème bien senti. Cela vaut sans doute une séance en CF18.

Tour du propriétaire 90 %

Présentée au dernier Salon de l’auto de Genève, la 812 (8 pour 800 chevaux et 12 pour la cylindrée) est le modèle qui succède à la déjà très impressionnante F12. Les lignes générales ressemblent d’ailleurs à la F12, mais elles ont encore gagné en agressivité. La 812 est 20 millimètres plus large que la F12 et le centre de gravité a été abaissé avec une étude en soufflerie encore plus poussée. On se rapproche de l’édition spéciale Tour de France de la F12 avec ses innombrables appendices et sa gestion maniaque des flux d’air. Toutes ces prises d’air et diffuseurs en tout genre ont une grande utilité. Ils permettent entre autres à la 812 d’améliorer de 65 % la portance négative par rapport à la F12, qui faisait déjà pas mal à ce chapitre. Par exemple, vous avez l’équivalent de 210 kilos de poids qui poussent vers le bas à 200 km/h pour aider à garder la voiture plantée au sol. Il faut aussi mentionner qu’une voiture sport exotique à moteur avant défie les conventions. Cette configuration moteur avant et roues motrices arrière est aujourd’hui reléguée aux modèles GT, ce qui est l’équivalent d’aller à une rencontre avec une inconnue ayant une belle personnalité. Depuis que Lamborghini a lancé sa Miura avec moteur central en 1965, toutes les voitures exotiques ont adapté cette configuration, mais la 812 prouve que la tradition a encore sa place.

Vie à bord 85 %

On trouve à l’intérieur une configuration devenue familière chez Ferrari, mais pas encore intuitive. Toutes les commandes sont placées sur le volant et l’ergonomie donne toujours des maux de tête. La 812 truffée de boutons, nous avons peine à faire la différence entre les clignotants, le klaxon, les phares et tout le reste. Il faut se concentrer pour utiliser la bonne commande. Pour le reste, on remarque beaucoup de cuir et de certains plastiques douteux comme celui qui recouvre la colonne de direction, qui fait très bon marché, ainsi que des renforts de portes un peu rudes. Impardonnable sur une voiture de ce prix. Comme cette 812 est axée sur la performance, Ferrari a revu son système d’information et inaugure une nouvelle présentation au moyen d’un large compte-tours encadré par deux écrans de cinq pouces. À gauche, les indications dédiées au pilotage et à droite, la navigation et la connectivité. La plupart des informations sont disponibles sur un troisième écran en forme de lame horizontale côté passager. Comme bien des clients ont les moyens de payer un tel prix pour une voiture sport, Ferrari, par sa division Tailor Made, permet de personnaliser l’habitacle de votre 812 pour lui donner un air plus F1, urbain ou rétro, c’est selon.

Technique 100 %

Comme tous les produits Ferrari, le moteur est la pièce de résistance de cette voiture. Annoncée à 800 chevaux européens, une fois traduite en chevaux SAE, la puissance donne chez nous 790 chevaux, qui proviennent d’un moteur V12 légèrement réalésé par rapport à la F12 à 6,5 litres et qui tourne à 8900 tours/minute dans un déchaînement de puissance qui glace le sang. Le couple de 530 livres-pieds n’a pas besoin de turbo pour se faire entendre, et passé les 5000 tours/minute, il faut être très rapide sur la boîte à double embrayage pour suivre la cadence de cette mécanique qui devient infernale. La plage de puissance est assez étendue pour rouler tranquille en septième à bas régime et mettre la gomme sans changer de rapport en écoutant le rugissement du moteur.

Au volant 100 %

Notre essai avec la 812 s’est déroulé sur le circuit de Ferrari à Fiorano. Je soupçonne Ferrari de faire appel à des alchimistes, ou à leurs équivalents modernes dans le monde de l’automobile, pour être capable de rendre une voiture aussi puissante, aussi facile à conduire et docile. Ferrari a installé, pour la première fois dans son histoire, une direction à assistance électrique qui se fait oublier (c’est un compliment) ainsi que la cinquième génération de commandes électroniques de stabilité, et inclut aussi, pour la première fois, le système de rayon de braquage des roues arrière directrices. Juste pour vous donner une idée, cette 812 a parcouru un tour du circuit de Fiorano 2,5 secondes plus rapidement que la 488 et avec une facilité de conduite déconcertante. Si ce n’est pas de la magie, je me demande ce que c’est. La direction à assistance électrique, qui constitue habituellement un embrassement dans une voiture sport, est ici largement responsable de la grande facilité de conduite de la 812. La conduite est intuitive et le volant va même vous suggérer un contre-braquage si l’arrière se met à danser. Personnellement, je crois que si on vous suggère un contre-braquage à haute vitesse, vous êtes sans doute au volant d’une MX-5 et non d’une 812. Je mets au défi même les plus grands puristes de deviner que ce volant est branché à un moteur électrique. Au chapitre de la tenue de route, contrairement à la majorité des systèmes de contrôle de la stabilité, qui limitent le plaisir au volant, celui de Ferrari le maximise. En tournant le Menettino, vous pouvez enlever le contrôle de la traction et faire fumer les pneus dans une courbe même sans aller trop vite. L’électronique en fait juste assez pour que vous ayez un immense plaisir. Et il ne faut pas penser qu’il s’agit d’une apparition spontanée de vos nouveaux talents de pilote. C’est plutôt la voiture qui contrôle le tout. Si vous voulez vous en convaincre, tournez à nouveau le Menettino en enlevant toutes les aides électroniques et vous allez vous rendre compte que vous allez manquer de talent bien avant que la voiture ne manque de puissance. Une chose est certaine, quand le compte-tours dépassera les 5000 tours/minute, vous allez remercier Dieu d’avoir laissé les aides électroniques en fonction tellement le paysage devient flou. À bas régime, le rugissement caverneux de la 812 laisse deviner le potentiel; à moyen régime sur la route, la majorité des sportives lui cèdent le passage; et à haut régime, le son du moteur est intoxicant et même épeurant si vous êtes trop près d’une courbe.

Conclusion 90 %

La technologie des moteurs turbo représente sans doute l’avenir, mais rien n’approche le son d’un V12 à aspiration naturelle. Ce sont 12 pistons au sommet de leur art. Cette grande GT avec son monstre docile laissé à lui-même sur un circuit routier m’a conquis, et maintenant que la 458 est partie, cette 812 devient mon cheval préféré de l’écurie Ferrari.

Forces

Moteur d’exception

Châssis rigide, agile et stable

Changements de rapports foudroyants

Direction hyper précise

Faiblesses

Commandes au volant confuses

Système de navigation fantasque

Sièges très fermes

Galerie

1. Avec une telle mécanique, il faut savoir où on doit placer ses priorités. Le compte-tours juste devant les yeux du conducteur est flanqué de chaque côté d’un écran numérique configurable.
2. Vous avez le choix de cinq modes de conduite au volant de la 812. Le mode Wet peut être considéré comme le mode confortable, le mode Sport est le plus souvent utilisé sur la route et les deux derniers sont principalement réservés pour une conduite sur circuit et des pilotes expérimentés.
3. Le V12 atteint sa puissance utile maximale à 8500 tours/minute, ce qui se traduit par une puissance utile spécifique de 123 ch/l. Des chiffres qu’aucune autre voiture de série à moteur avant n’a approchés.
4. Les phares à DEL intégrés à la conception des prises d’air sculptées sur le capot soulignent également ce muscle avant, s’intégrant et s’enroulant autour du passage de roue avant.
5. De nouveaux sièges plus sportifs et plus ergonomiques sont également proposés aux côtés du nouveau système HMI, comprenant le nouveau volant, de nouveaux instruments de bord et les derniers dispositifs d’infodivertissement et de climatisation.

Historique

Les Ferrari à moteur V12 sont les gardiennes de la tradition chez Ferrari. La toute première Ferrari avait un moteur V12 à l’avant et des roues motrices arrière. Pour Enzo Ferrari, c’était la seule manière de construire une vraie voiture sport. Il y a eu beaucoup de modèles dans l’histoire de la firme de Maranello. Ces grandes voitures de Gran Turismo incarnent toutes la philosophie de la marque. La 812 continue cette tradition. Avec toutes les normes environnementales qui se resserrent, il faut se demander combien de temps encore Ferrari pourra faire montre de ses grands talents de motoriste. Le règne des V12 s’achève (sic!).