Jaguar I-Pace 2019

Jaguar I-Pace

L’électricité façon royauté

Il y a eu le F-Pace, le premier utilitaire de Jaguar commercialisé depuis 2015. Il y a eu l’E-Pace, le multisegment compact lancé il n’y a pas un an pour souffler dans le cou des BMW X1 et Audi Q3.

Et voici que débarque l’I-Pace, le tout premier véhicule entièrement électrique de Jaguar. Important, vous demandez? Assez pour que L’Annuel de l’automobile 2018 en ait orné sa page couverture!

Tour du propriétaire (94 %)

Le coefficient de pénétration dans l’air de 0,29 ne vaut pas le 0,24 d’une Tesla S, mais les formes de l’I-Pace sont celles d’un multisegment, pas d’une berline déguisée en coupé. Il ressemble beaucoup à son prototype de 2016 présenté à Los Angeles. Il est beau, audacieux et fonctionnel. Prenez la grille. En théorie, les designers (supervisés par le talentueux Ian Callum) auraient pu s’en passer. Un trou quelque part pour rafraîchir les batteries aurait suffi. Mais la grille est là pour compléter à merveille le nez de l’I-Pace, l’écusson du félin bien accroché au centre du treillis, pour communiquer un air de famille à travers la gamme et, enfin, pour raffiner l’aérodynamisme du véhicule (comme les poignées qui sommeillent à fleur d’aluminium quand le véhicule est verrouillé ou en mouvement). Ainsi, l’air qui pénètre devant ressort par la trappe percée dans le capot, longe le toit fuyant, puis se glisse sous l’aileron ajouré. Ce film d’air agit comme une main invisible qui plaque le VÉ au sol.

Vu l’absence de compartiments pour loger un moteur traditionnel ou sa transmission ou son système d’échappement, les roues (18, 20 et 22 pouces) ont été repoussées aux extrémités, créant des porte-à-faux minimalistes sur une longueur émulant celle d’un Porsche Macan. La soute sous la cool lunette arrière propose une capacité de 656 litres avec la banquette 60/40 en place, soit l’équivalent d’un X5, ou alors 1453 litres une fois les dossiers abaissés (versus 1870 litres pour le BMW). Un mini-coffre de 27 litres dépanne à l’avant.

Vie à bord (90 %)

L’I-Pace est disponible en quatre versions, soit S, SE, HSE et First Edition, laquelle sera offerte durant la première année modèle mais sans limite d’exemplaires. On en veut une, on la commande.

Le généreux empattement s’avère une bonne nouvelle pour les cinq occupants. Avec presque trois mètres, on parle ici d’une habitabilité qui rivalise celle d’une BMW Série 7! L’instrumentation s’en remet à pas moins de quatre écrans pas toujours simples : le programmable derrière le volant, le gros tactile de la console centrale où brille la technologie Touch Pro Duo emprunté au Velar, un troisième pour la température et la ventilation (mais aussi flanqué de boutons pour les traditionalistes) et un quatrième qui est en fait l’affichage tête haute projeté à la base du pare-brise. Du moderne, donc, mais teinté de tradition. Malgré l’orgie d’écrans, les boutons poussoirs qui remplacent le sélecteur de vitesses et les garnitures in, les stylistes n’ont pas su se passer des buses proéminentes et du chrome étincelant répandu sans retenue. La marque honore sa longue histoire.

L’I-Pace est très fier de sa myriade de gadgets connectés. Téléchargez les applications recommandées et vous pouvez pitonner un tas de trucs à distance. Au lieu d’être compatible avec Apple CarPlay et Android Auto, Jaguar s’est tournée vers Alexa, le « secrétaire personnel » d’Amazon. Du confort de votre foyer, demandez-lui « Ai-je assez d’autonomie pour me rendre jusqu’au bureau? ». Par contre, point de sièges chauffants dans la variante de base, même pas pour les Canadiens, une décision d’entreprise qui veut que tous les pays soient traités de la même manière. Discutable.

Technique (95 %)

Pour animer ce véhicule zéro émission, les ingénieurs ont bricolé maison deux moteurs électriques de 147 kW, chacun positionné directement sur les essieux. Ça élimine l’arbre de transmission et la puissance de 197 chevaux par axe de roues en totalise 394 en traction intégrale en plus d’un couple de 512 lb-pi. Pour recharger la batterie lithium-ion d’une capacité de 90 kWh regroupée en 432 cellules (sous garantie huit ans), calculez 90 minutes pour 80 % avec prise rapide (100 kW) ou le temps d’un dodo avec du 220 volts. L’autonomie annoncée en Europe, soit 480 km, est beaucoup trop optimiste. Jaguar Canada elle-même la ramène à 386 km. Oubliez la capacité de remorquage, les études de Jaguar ont démontré que le client visé s’en fiche. En revanche, on lui offre divers accessoires pour vélos, kayaks, etc.

Au volant (93 %)

On peut choisir entre deux intensités de freinage régénératif, entre trois modes de conduite (Eco, Confort et Dynamic) et, nouveauté, entre différentes ambiances sonores. En s’associant avec Bose, Jaguar propose un intérieur super zen grâce à un bidule qui étouffe les bruits parasites ou alors, au contraire, qui crée un rugissement artificiel afin de colorer le potentiel sportif de l’I-Pace, quitte à dénaturer, selon moi, l’essence planante d’un VÉ.

Avec des liens comme Jaguar en entretient avec Land Rover, l’I-Pace ne pouvait pas ne pas afficher des habiletés hors route. Nous en avons eu la preuve quand les organisateurs du lancement international ont entraîné nos machines dans un domaine sauvage réservé aux adeptes des 4×4. Première épreuve : que l’I-Pace se prenne pour une pirogue! Je l’ai piloté dans le lit d’un ruisseau assez profond pour titiller un amateur de pêche. Puis, après l’eau, l’escalade! Une colline verte zébrée d’un sentier orangé à conquérir. Une fois relevée la suspension pneumatique de 10 mm grâce au bouton de la console centrale, mon doigt a activé le système ASPC (All Surface Progress Control), une version enrichie du Hill Descent Control, qui permet au véhicule de gravir et de descendre par lui-même à une vitesse prédéterminée, en freinant tout seul comme un grand, pendant que le pilote ne se préoccupe que du volant.

L’I-Pace s’est mis à gravir la montagne avec l’obstination d’un sherpa déterminé à atteindre le sommet avant que la tempête ne se lève. À un moment donné, il s’est presque immobilisé, le temps que les roues retrouvent une bonne traction. Impressionnant.

On s’entend que les proprios n’iront pas ainsi patauger et crapahuter, mais nos gentils organisateurs ont prouvé leur point : pas grand-chose n’arrête l’I-Pace malgré ses airs de multisegment urbain.

Une fois la question du hors-route réglée, nous avons testé le fauve à l’Autodromo Internacional Algarve, une piste de course portugaise de calibre F1 célèbre pour ses 15 virages, dont certains suicidaires car aveugles (on ne voit pas ce qui nous attend de l’autre côté de la bute). Heureusement, Adriano, un pilote professionnel, a pris place dans le siège du passager pour me guider. Au bout de trois tours complétés dans un mélange de frayeur et d’extase, la conclusion s’est imposée : l’I-Pace est aussi à l’aise sur un circuit que sur un sentier de chèvres. Et Adriano de me nommer les trois atouts : la rigidité du châssis, le centre de gravité bas et, enfin, le couple généreux et instantané.

Les specs techniques révèlent que le véhicule peut atteindre une vitesse maxi de 200 km/h. Je confirme. Le freinage, l’accélération, l’équilibre, tout concourait à rendre chaque tour meilleur que le précédent. C’est un utilitaire, certes, mais tellement rapide! Une Tesla ne peut pas tourner et tourner ainsi à fond de train. Même chez Jag, il faut regarder du côté des versions R de la F-Type pour battre les 4,8 secondes au 0-100 km/h de l’I-Pace.

Conclusion (93 %)

Les autres marques de luxe vont suivre : Taycan (Porsche), e-Tron (Audi), EQ (Mercedes-Benz). Mais en attendant, Jaguar vient de frapper un coup de circuit. L’I-Pace accomplit tout avec bonheur avec en prime un look accrocheur et une fiabilité qui prend du mieux à mesure que Tata continue d’y investir des milliards. Le résultat nous fait dire que si l’avenir est électrique, il s’annonce radieux.

Forces

Silhouette craquante

Urbain, coureur des bois et félin tout à la fois!

Habitacle inspiré

Faiblesses

Écrans parfois trop complexes

Version de base sans sièges chauffants

Remorquage non recommandé