Jaguar XJ 2011

JAGUAR XJ

Un chat qui a du chien

Chez Jaguar, la cure de jouvence se poursuit. Après la XF et la XK, voici la XJ, totalement repensée. Et l’entreprise qui en profite pour célébrer ses 75 ans…

Carrosserie La première XJ remonte à 1968. Elle s’est rapidement imposée comme la quintessence de Jaguar, surtout quand on l’a gratifiée d’un V12. Le style a lentement progressé au fil des décennies. La cuvée 2011, proposée par le styliste britannique Ian Cullum, marque une rupture, c’est-à-dire que les nouvelles Jaguar affichent désormais un esthétisme qui ne doit laisser subsister aucun doute sur la beauté et la rapidité de la bête. Or, disons tout de suite que les gens se sont constamment retournés sur le passage de la XJ.

Elle vient en deux configurations, soit en empattement régulier ou allongé (12,7 centimètres de plus à l’arrière et vive le chauffeur). Dès le départ, les stylistes et les ingénieurs ont testé leurs idées sur la plus longue, de sorte que même la plus étirée des XJ a l’air musclé. À l’avant, la calandre en treillis et la face du fauve disent tout; à l’arrière, le toit demeure très bas grâce à son arc prononcé, les feux à diodes électroluminescentes encadrent un coffre sur lequel s’élance le félin, et deux tuyaux d’échappement ovales complètent ce tableau qui inspire le respect; mais rien n’est plus réussi sur cette XJ que son profil. Une série de traits effilés (Cx de 0,29), dont le pavillon résolument sexy, procure à cette berline une allure qui frise la perfection. Certains se poseront des questions au sujet du pilier C peint en noir. Chez Jaguar, on dit que c’est pour créer l’illusion que le toit « flotte ». Chose certaine, avec une coque foncée, la question s’estompe; avec une teinte claire, elle revient.

Habitacle Comme l’extérieur, l’intérieur réjouit. L’un de ceux que j’ai découverts avait des fauteuils caramel et un tableau de bord bleu marine : wow ! Et tout autour de nous, le grand luxe. Un coup de circuit ? Ici aussi, question de goûts personnels. Les designers ont eu la délicate mission de jouer la carte du futur sans pour autant renier la tradition. C’est ainsi que le bois et beaucoup de chrome coexistent avec l’écran tactile et des interrupteurs modernes.

On pourrait accuser cet intérieur d’être surchargé, contrairement à l’extérieur où le pelage lisse procure une impression de fluidité ininterrompue. L’œil passe de l’horloge ronde, ni trop ancienne, ni trop moderne, à la massive console au plancher plantée du non moins énorme sélecteur de vitesses rondouillard.

On l’appelle le Drive Selector. Il est le cœur de la console. C’est une roulette imposante, étincelante et même ouvragée. Mais contrairement aux rivaux qui utilisent leur grosse roulette pour contrôler différents accessoires, celle de la XJ, qui se soulève dès qu’on enfonce l’interrupteur Start/Stop, se limite à modifier le menu de la boîte de vitesses automatique ZF.

Parmi les technologies notables, il y a le nouvel écran TFT (thin-film transistor) derrière le volant où 614 400 pixels fournissent de l’information en haute définition. L’indicateur de vitesse virtuel, par exemple, a la particularité d’illuminer l’info la plus pertinente. Ainsi, quand je roule à 110 km/h, la section de 100 à 120 km/h ressort en gros plan. Un autre hublot répète les renseignements de l’autre écran, celui du centre, comme le titre de la pièce musicale de votre iPod ou le tracé de la navigation. Plus jovial encore : en mode Dynamic et Sport, la couleur ambiante des cadrans vire au rouge.

L’écran tactile de 8 pouces (plus généreux que l’ancien) me laisse perplexe. Oui, nous y sommes de plus en plus habitués (merci iPhone), mais il se macule rapidement d’empreintes graisseuses. L’option la plus magique concernant cet écran s’appelle Dual-View : selon l’angle de vision, le conducteur peut étudier la carte de navigation, tandis que son passager peut suivre un film sur DVD ! Tout est matière d’angles ! Pour le moment uniquement offerte en Europe, l’option devrait finir par se faufiler en Amérique du Nord, dès que les sages fonctionnaires en charge de notre sécurité routière auront admis qu’il est impossible pour le conducteur de suivre le film lui aussi…

Sans surprise aucune, la sono montée à bord est hallucinante. Je parle ici du chaîne haut de gamme Bowers & Wilkins, car on peut également se « contenter » de deux autres chaînes. Outre ses 1200 watts, j’aime beaucoup la grille transparente des haut-parleurs (20 en tout) qui laisse voir les cônes de fibre aramide jaune.

Mécanique Le V8 de 5 litres, celui des XF et XK, développe 385 chevaux et constitue un choix de base très satisfaisant. Il s’acquitte d’une consommation de carburant raisonnable et limite les émissions de CO₂. Une version à compresseur de ce V8 fait grimper la puissance à 470 chevaux et, au quatrième trimestre de 2010, Jaguar introduira la version Supersport offerte sur commande spéciale. Grâce à quelques tours de magie sous le capot, le V8 suralimenté crachera 510 chevaux. Peu importe la version, la suspension reste la même (double fourchette à l’avant, multibras à l’arrière), les ingénieurs se contentant de jongler avec le calibrage des amortisseurs. Les disques et les roues des deux plus puissantes Jag gagnent en diamètre, tandis que les trois moteurs sont couplés à une boîte de vitesses automatique à 6 rapports qui est un délice, avec ou sans l’intervention manuelle des leviers de sélection au volant.

Rapide, tout ça ? Le 0 à 100 km/h en 5,4 ou 4,9 ou 4,7 secondes, selon l’engin. On a quand même bridé électroniquement les voitures à 249 km/h.

Comportement Pour accoucher d’une Jaguar plus agressive, ses ingénieurs se sont préoccupés, par exemple, de la sensation que laisse la pédale de frein. Résultat : un freinage implacable. La direction n’est pas en reste. En fait, à mon avis et à celui des scribes invités lors de la présentation internationale, le coup de volant de la nouvelle XJ se révèle son plus bel attribut. Il est incisif (inspiré en cela par celui de la XFR), même si l’on conduit la version allongée. Et, ce qui ne gâte rien, la prise en main du boudin est sensationnelle.

Le calibrage des amortisseurs change plusieurs fois par seconde pour se conformer aux plaisirs recherchés par le pilote et pour s’adapter aux conditions routières. Le V8 atmosphérique fait entendre le grognement qu’on attend d’un prédateur en chasse. Grâce à l’insonorisation du véhicule, on ne le perçoit toutefois que quand le pilote passe effectivement à l’attaque. Sinon, discrétion assurée, même de la part du diesel (réservé à l’Europe). La version Supersport multiplie la testostérone, pas de doute là-dessus, mais croyez-moi quand je vous dis que le V8 de base fait parfaitement l’affaire.

Ce châssis où l’aluminium domine (en fait, l’acier est minimal) se révèle 11 % plus rigide que l’ancien et donne un avantage marqué à la limousine anglaise par rapport à ses rivales, beaucoup plus lourdes. Le dynamisme du chat, ses réactions vives le prouvent, tout comme le roulis qui a diminué de 25 %.

Conclusion Le positionnement de Jaguar dans le monde est un défi quotidien pour ses dirigeants (qui, au sommet de la hiérarchie, sont indiens depuis que Tata a acheté Jaguar et Land Rover de Ford). Qu’est-ce qui peut bien distinguer la marque par rapport aux BMW, Mercedes-Benz, Audi et Lexus de ce monde ? Il y a déjà l’apparence, à l’extérieur comme à l’intérieur. Sur ce plan, la renaissance moderne de la XJ est une réussite, bien que des gens émettront un bémol sur l’aspect hétéroclite de l’habitacle. Pour le reste, by Jove! Mission accomplie ! Le gros chat est redevenu athlétique mais sans rien sacrifier de sa grâce innée.

FORCES

Une nouvelle allure aussi élégante que sportive

Une direction qui obéit au doigt et à l’œil

Un luxe qui dégage une personnalité propre

FAIBLESSES

Un habitacle un brin surchargé

Un écran tactile qui se salit rapidement