Lamborghini
Le taureau sous tension
Personne n’y échappe. Pas même Lamborghini. La célèbre firme italienne compte électrifier partiellement (hybride rechargeable) l’ensemble de sa gamme existante d’ici la fin de 2024 et réduira du coup de 50 % ses émissions de CO2 actuelles. Quant à une Lambo 100 % électrique, Stephan Winkelmann, le PDG de Lamborghini, confirme qu’il y en aura une : « Nous avons six à sept ans devant nous pour y réfléchir. »
Urus
La source des revenus
Lamborghini envisageait d’en construire 3500 par an. L’Urus, lancé début 2018, fait beaucoup mieux. L’an dernier, plus de 5000 unités ont été produites dans l’usine redimensionnée de Sant’Agata Bolognese, en Italie, qui continue de tourner à son régime maximum. Sans surprise, les Américains s’emparent de près de la moitié de la production annuelle mondiale devant la Chine et le Royaume-Uni. Et le Canada dans tout cela? Il pointe au huitième rang, devant l’Italie…
Personne n’a vraiment sursauté en voyant débarquer l’Urus, le dernier-né de Lamborghini. Le petit constructeur italien s’était déjà aventuré sur des territoires aussi éloignés de sa vocation initiale avec le LM002 (1986-1993). Surnommé à l’époque le Rambo des 4×4, le LM002 a été produit à 300 exemplaires et l’un de ceux-là s’est retrouvé − un temps − aux mains d’un richissime entrepreneur québécois.
Dès lors, et contrairement aux récentes créations « hautes sur pattes » de Bentley, Maserati, Rolls-Royce ou encore Aston Martin, Lamborghini possède une certaine légitimité dans ce segment qui promet des perspectives de ventes autrement plus favorables que les berlines, coupés et autres cabriolets de grand luxe.
Pour s’adapter à cette nouvelle donne, Lamborghini n’a pas renié sa vocation élitiste (même si l’Urus est la Lamborghini la plus abordable de l’heure), mais s’est résolue tout de même à bousculer quelques sacro-saints principes techniques, et non des moindres. À bord de cette italienne frappée d’un taureau furieux, pas de moteur en position centrale arrière ni de V12 atmosphérique, mais un V8 de 4,0 litres suralimenté boulonné entre les roues avant. En dépit de ces entorses à l’orthodoxie, l’Urus ne renonce pas au tempérament de feu qui caractérise les productions de la marque. L’Urus ratisse large et cherche à convaincre les conducteurs rangés de ces coupés qui nous assoient par terre et qui nous contraignent à voyager sans bagages de se déplacer en altitude.
L’attraction exercée par cette Lamborghini pleine de saillies, pesant plus de deux tonnes, confirme que le haut de gamme automobile s’est définitivement converti aux « camions ». Et comme d’autres utilitaires sportifs avant lui, l’Urus offre simultanément la tenue de route d’une sportive et – pour peu qu’il soit chaussé correctement − les capacités de franchissement d’un vrai tout-terrain.
Ce modèle procure l’agrément de conduite d’une voiture de sport. Lorsqu’on se hisse − il n’y a pas d’autre mot − à bord de l’Urus, rien ne laisse présager que ce salon roulant tendu de cuir et offrant, ce qui n’est pas habituel à bord d’une Lamborghini, un espace habitable très vaste est capable d’escalader une pente de 45 degrés avant d’abattre le 0-100 km en moins de quatre secondes. Pour mouvoir l’athlète, le V8 d’une cylindrée de 4,0 litres du groupe VW a, tout comme l’architecture Evo MLB, été retenu, mais assaisonné à l’arrabbiata par les motoristes de Lamborghini. Pas aussi virevoltant ni efficace au freinage que la Huracán ni aussi sonore et sauvage qu’une Aventador. L’Urus gratifie le conducteur de bourrades moins virulentes certes, mais n’en demeure pas moins que très peu de véhicules de ce gabarit possèdent une tenue de route à ce point affûtée, une telle stabilité dans les courbes et des capacités d’accélération aussi généreuses.
Ce tour de force doit beaucoup au châssis, particulièrement sophistiqué, et au raffinement des équipements électroniques, en particulier la transmission intégrale d’une exceptionnelle réactivité et la suspension pneumatique avec correcteur d’assiette et tarage variable de l’amortissement. Les seuls désagréments concernent les suspensions, toujours trop fermes même lorsqu’on opte pour le réglage le plus confortable, et une direction qui manque d’intensité, indépendamment du paramètre sélectionné (Strada, Sport et Corsa).
L’Urus est un monument automobile défiant les lois de la physique, mais cela n’interdit pas de s’interroger sur le sens qu’il faut donner à une voiture aussi volumineuse, gourmande (difficile de consommer moins de 18 litres d’essence aux 100 km) et exhalant une inavouable quantité de CO2.
Aventador
La dernière vraie
Sans exception aucune, les qualificatifs utilisés par Automobili Lamborghini pour décrire l’Aventador frisent tous la démesure. « Puissance brute, poids plume, précision directionnelle phénoménale et design hors pair. » Vrai, l’Aventador ne manque pas d’arguments pour convaincre.
L’Aventador est, aux yeux des puristes, la dernière « vraie » Lamborghini. Entendez par là qu’elle ne dérive pas directement d’un modèle existant de chez Audi, puisque l’année de sa mise en service coïncide avec celle du rachat de Lamborghini par le constructeur allemand. Animée, comme ses aïeules, d’un impressionnant V12 atmosphérique, l’Aventador souffle le chaud et le froid. Les rauques aboiements de sa mécanique et ses performances donnent carrément la chair de poule. Même si Lamborghini s’est efforcée d’en civiliser le comportement, l’Aventador demeure difficile à manier, et ce, malgré la présence d’un rouage à quatre roues motrices. Par rapport à l’Huracán, par exemple, l’Aventador est moins « survireuse », mais franchement plus délicate à piloter, plus sauvage aussi. Sa boîte claque les rapports comme un fouet, la poussée du moteur vous plaque solidement contre le dossier de votre siège, mais ces sensations de faire « des tours de manège » finiront par en lasser plus d’un au quotidien. Loin des circuits, seul endroit possible pour l’apprécier, l’Aventador n’a rien d’une sinécure. Les contorsions exigées pour y accéder ou s’en extraire ou encore sa faible visibilité périphérique rendent son utilisation parfois bien pénible.
Plus courte qu’elle ne le paraît (4,78 mètres), l’Aventador est cependant large. Très large. Il faut compter deux mètres en plus des rétroviseurs. Et pour ajouter à la difficulté de la faire circuler dans les rues étroites, elle braque mal. Son diamètre de braquage équivaut à celui d’un gros camion.
Huracán
Le chaud et le froid
« Le style, c’est l’émotion », rappelait, de son vivant, le designer Nuccio Bertone. Lamborghini a retenu la leçon. Comme pour toutes les créations précédentes de la marque italienne, les lignes extrêmement tendues de la dernière-née de Sant’Agata, la Huracán (prononcez « ou-ra-canne »), déclenchent l’émoi. Mais au-delà des formes − presque caricaturales lorsque peintes de couleurs vives −, que reste-t-il du comportement caractériel des Lamborghini d’antan?
La conduite d’une Huracán se veut beaucoup plus civilisée que cela. À tel point que l’on pourrait l’amener faire la file sur le boulevard Décarie en fin de journée sans crainte de s’épuiser à son volant, de faire surchauffer la mécanique ou, pire, de tomber en panne.
Bien que cela soit rarement le cas en pratique, une Lamborghini − la Huracán tout particulièrement − est conçue pour circuler tous les jours. Et à la limite en toutes saisons, puisqu’elle est dotée d’un rouage à quatre roues motrices, mais cette rationalité ne fait pas l’unanimité chez les esthètes. Ces derniers ont la nostalgie de cette époque où les créations de Lamborghini en faisaient trop.
Réputée pour la brutalité de son accélération et son affolante vitesse de pointe, la Lamborghini moderne comporte, en prime, un soupçon de grâce et une bonne dose de raffinement. Elle demeure toujours aussi rapide qu’un dragster. Pourtant, la production de la marque au taureau furieux paraît aujourd’hui presque domestiquée. La faute aux ingénieurs et à l’électronique, selon les puristes. Ceux-ci jugeront sans doute que le constructeur est allé trop loin en rendant la conduite trop accessible. On pourrait en débattre.
La Huracán signe, sans effort apparent de la mécanique ni d’ailleurs du conducteur, des performances qui sortent de l’ordinaire. Mais pour en tirer tout le potentiel, il faut encore se cracher dans les mains.
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Fiche technique
AVENTADOR
Variantes Coupé/Cabriolet S, SVJ
Prix 488 895 à 670 895 $
Boîte(s) de vitesses Robo. 7 rapports
Moteur(s) V12 6,5 L QACT
Puissance 730 ch / 759 ch
Couple 509 lb-pi / 521 lb-pi
Poids/puissance 2,1 kg/ch / 2,0 kg/ch
Vitesse maximale plus de 350 km/h
0-100 km/h 2,9 s / 2,8 s
0-200 km/h 8,8 s / 8,6 s
Reprise 80-115 km/h 1,4 s
Freinage 100-0 km/h 30,0 m
Pneus (av - arr) P255/30R20 - P355/25R21
Longueur/largeur/hauteur 4 797 / 2 265 / 1 136 mm
Poids 1 525 kg / 1 625 kg
HURACÁN
Variantes Coupé/Cabriolet EVO, EVO 2AR, Coupé STO
Prix 242 895 à 359 895 $
Boîte(s) de vitesses Robo. 7 rapports
Moteur(s) V10 5,2 L DACT
Puissance 602 ch / 630 ch
Couple 413 lb-pi / 417 lb-pi / 443 lb-pi
Poids/puissance 2,3 / 2,5 kg/hp
Vitesse maximale plus de 325 km/h
0-100 km/h 3,3 s / 3,5 s
0-200 km/h 9,0 s / 9,6 s
Reprise 80-115 km/h 1,8 s / 2,0 s
Freinage 100-0 km/h 31,9 m
Pneus (av - arr) 2AR 245/35R19 305/35R19 4AR 245/30R20 305/30R20
Longueur/largeur/hauteur 4 459 / 2 236 / 1 165 mm
Poids 1 339 kg / 1 542 kg
URUS
Variantes VUS
Prix 250 995 $
Boîte(s) de vitesses Auto. 8 rapports
Moteur(s) V8 4,0 L biturbo DACT
Puissance 641 ch
Couple 627 lb-pi
Poids/puissance 3,4 kg/ch
Vitesse maximale 305 km/h
0-100 km/h 3,6 s
0-200 km/h 12,8 s
Reprise 80-115 km/h 3,2 s
Freinage 100-0 km/h 33,7 m
Pneus (av - arr) 285/45R21 315/40R21
Longueur/largeur/hauteur 5 112 / 2 181/ 1 638 mm
Poids 2 197 kg