La Golden Sahara II, l’auto aux pneus lumineux, bientôt offerte par Mecum
Un modèle créé dans les ateliers de George Barris en 1954
Une auto qui roule sans intervention du conducteur, c’est devenu courant. Mais dans ce cas, cette particularité s’applique à une automobile créée en 1954. Une automobile qui a même des pneus translucides ! Il s’agit de la Golden Sahara, une imposante voiture découvrable qui a fait la tournée des grandes expositions étatsuniennes jusqu’à la fin des années 60 pour ensuite tomber dans l’oubli.
Réapparue en 2018, lors d’une vente aux enchères de Mecum à Indianapolis, elle est de nouveau devenue la coqueluche des organisateurs d’expositions, des salons et des musées automobiles. La voici de nouveau en vedette dans le cadre d’une vente aux enchères de la même entreprise, mais cette fois à Chicago, en septembre.
Création de Barris Kustoms
Cette voiture fantaisiste est signée Barris Kustoms. Durant trois décennies, des années 60 jusqu’à la fin des années 90, cette entreprise californienne fondée par George Barris (1925-2015) s’est spécialisée dans la transformation et la personnalisation d’automobiles.
Elle a conçu des vedettes à quatre roues pour les productions de nombreux producteurs de Hollywood. Pensez, par exemple, au Koach de la série télévisée The Munsters (1964-1966), à la Batmobile de Batman (1966-1968), à la Black Beauty de Green Hornet (1966-1967), à l’AMX 400 de Banacek (1972-1974) et à KITT de Knight Rider (1982-1986). C’est sans oublier les Ford Explorer et Jeep Wrangler qu’on a vu dans le film Jurassic Park, en 1993.
Née d’une Lincoln accidentée
L’histoire de la Golden Sahara débute avec un accident. Car c’est après avoir embouti une Lincoln Capri 1953 toute neuve sous un camion, à la suite d’une fausse manœuvre, que George Barris décide d’en faire sa création la plus impressionnante.
Avec l’aide de Bill DeCarr, son carrossier, il réalise cette voiture à toit transparent amovible en forme de bulle pour James Skonzakes, un homme d’affaires d’Ohio qui se passionne pour les autos modifiées et que les gens du milieu surnomment Jim Street.
Les garnitures en or 24 carats qui ornent les flancs arrière de la carrosserie et la peinture blanc cassé à effet nacré scintillant sont à l’origine de son nom. L’intérieur se veut aussi somptueux avec un recouvrement de plancher en vison blanc et une dotation qui a tout pour faire rêver puisqu’il comprend un téléviseur (noir et blanc), un téléphone, un magnétophone, deux radios et des sièges massants à l’avant. Pour ce palace sur roues, on a aussi prévu un module logé au centre de la banquette arrière qui fait office de… bar-salon ! Dévoilée au salon Motorama Petersen de Los Angeles, en novembre 1954, elle fait sensation auprès du grand public.
Projet coûteux
La construction de la Golden Sahara sera plutôt coûteuse. Évaluée à plus de 25 000 $ US, le magazine Motor Trend en fait la une de son édition de mai 1955.
Pour atténuer ce fardeau financier, Jim Street réussit à obtenir une commandite du fabricant de pneus Seiberling, qui utilise la Golden Sahara dans une campagne de publicité.
Conduite autonome
En 1956, Street décide de faire évoluer le concept de sa voiture, une tendance « naturelle » chez les amateurs et constructeurs de voitures modifiées. Il se tourne alors vers la société Delphos Machine and Tool de Dayton, en Ohio.
Ces spécialistes modifient le pavillon, amincissent considérablement le cadre du pare-brise et accentuent la forme de la prise d’air devant le capot. Les deux phares originaux, d’allure plutôt banale, sont également remplacés par des blocs optiques allongés intégrant chacun deux projecteurs sous une lentille givrée. De plus, de nouvelles garnitures plaquées or sont ajoutées aux bas des ailes avant, alors que l’extrémité des ailes arrière adopte une forme en V. Enfin, pour accentuer l’effet perlé de la nouvelle peinture, on y mélange de véritables écailles de poisson !
En raison de tous ces changements, on présente désormais la voiture sous le nom de Golden Sahara II. C’est d’ailleurs à cette étape de son histoire qu’elle est dotée de portes à ouverture télécommandée, d’un volant amovible doublé d’un « joystick » grand format servant à la conduire, sans oublier certains accessoires à contrôle vocal.
Elle dispose aussi d’une commande de démarrage et d’arrêt du moteur à distance, mais aussi d’un système de conduite par télécommande. Elle peut, en effet, être déplacée à l’aide d’une télécommande à câble ou en glissant doucement le doigt sur l’un ou l’autre des deux rhéostats posés sur la planche de bord, face aux passagers avant. Ces deux commandes avaient été prévues pour permettre au passager de conduire, s’il le souhaitait !
Freinage automatique et pneus lumineux
Deux antennes fixées aux extrémités du pare-chocs avant, qui émettaient des ultrasons, doivent aussi permettre à un système de freinage assisté d’entrer en action automatiquement en cas d’urgence, à l’approche d’un obstacle.
Dans cette refonte, Jim Street troque les pneus Seiberling pour des Goodyear lumineux. Développés par Goodyear à partir de Néothane, un type de caoutchouc synthétique transparent, ses pneus renfermaient un éclairage intérieur permettant de les illuminer en leur donnant différentes couleurs. Ce concept s’inscrivait dans des recherches plus larges menées par Goodyear à l’époque, afin d’évaluer la possibilité d’accroître l’éclairage d’un véhicule pour améliorer sa visibilité en cas de mauvais temps. En pensait aussi pouvoir profiter de cet attribut pour illuminer les pneus au moment du freinage. On croyait sans doute pouvoir ainsi avertir l’automobiliste qui serait derrière, qui sait ?
Bref, cette transformation hausse le coût total du projet aux alentours de 75 000 $ US (une somme qui équivaudrait aujourd’hui à près de 750 000 $) et ça aussi, ça ne manque pas de fasciner les visiteurs qui viennent admirer la Golden Sahara II dans les expositions.
Vedette aux côtés de Jerry Lewis
À son apogée, la Golden Sahara II a fait le tour des États-Unis. On l’a vue dans une foule d’expositions, mais aussi à la télévision et au cinéma.
Habile promoteur, Jim Street réussit à faire entrer sa voiture futuriste à Hollywood, qui l’emploie dans quelques scènes du film Cinderfella (Cendrillon aux grands pieds en version française). Ce film lancé en décembre 1960 mettait en vedette le grand comédien Jerry Lewis aux côtés de la chanteuse et actrice italienne Anna Maria Alberghetti.
On la verra aussi à la télé dans plusieurs reportages et dans des émissions de variétés comme I’ve Got a Secret de CBS, en juin 1962.
Puis, au fil des années 60, sa popularité s’étiole et l’entraîne progressivement dans l’oubli. Elle reste la propriété de Jim Street jusqu’à sa mort, qui survient le 29 novembre 2017.
De nouveau en vedette
Après avoir passé presque 50 ans dans un garage, en mai 2018, elle est rachetée par Larry M. Klairmont pour la somme de 385 000 $ US, lors d’une vente aux enchères organisée par Mecum Auctions à Indianapolis, en Ohio.
Klairmont, qui a fait fortune dans l’immobilier à Chicago, sa ville natale, est un passionné de véhicules de collection. En 2018, il ouvre un musée dans cette ville afin de partager sa passion avec le grand public. Appelé Klairmont Kollections, il réunit près de 300 véhicules, dont plusieurs modèles uniques et rares, de même que des milliers d’artefacts de ce qu’on peut qualifier « d’art routier ».
La Golden Sahara II qu’il vient d’acheter devient une des pièces centrales de cette collection. Il la fera d’ailleurs restaurer par l’atelier Speakeasy Customs and Classics de Chicago, pour ensuite l’exposer dans plusieurs grands événements. On la verra, entre autres, au Salon de l’auto de Genève, en 2019, chaussée de quatre nouveaux pneus Goodyear en Néothane fabriqués par Kelsey Tire, un spécialiste des pneus de voitures anciennes. Puis, en juillet 2021, Larry Klairmont décède à l’âge vénérable de 94 ans.
Les 20 et 21 septembre prochains, les pièces constituant son imposante collection seront offertes lors d’une vente aux enchères présentée par Mecum dans le musée qu’il avait créé. La Golden Sahara sera naturellement une vedette de cette vente et elle sera offerte sans réserve. Or, puisqu’elle a été restaurée en 2018, les experts s’accordent pour dire qu’elle sera sans doute vendue pour une somme nettement plus importante qu’à l’époque !
Photos : Mecum