Izera, les VÉ polonais qui auront un coeur chinois

ElectroMobility Poland (EMP) a annoncé cette semaine sa décision de s’associer au groupe Zhejiang Geely pour équiper ses véhicules de marque Izera d’une motorisation électrique. Une décision qui n’a pas fait l’unanimité en Europe.

EMP a vu le jour en 2016. Par l’intermédiaire de ce consortium réunissant quatre fournisseurs d’énergie polonais (Tauron, Enea, Energa et PGE), le gouvernement polonais, qui lui apporte un soutien, souhaite se réapproprier une part du secteur automobile national, la seconde source d’emplois en importance du pays. 

En 2020, selon EMP, l’automobile procurait plus de 200 000 emplois directs dans le domaine manufacturier et 270 000 autres dans le secteur commercial et les services liés à l’industrie. Ce secteur d’activité génère 7 % du PIB national. Avec Izera, la Pologne disposerait de nouveau d’une marque d’importance, la première depuis la disparition de FSO, en 2011. 

Deux Izera de taille compacte

Les premiers véhicules d’Izera ont été dévoilés en juillet 2020. Cette marque doit d’ailleurs son nom à la chaîne de montagnes servant de frontière à la Pologne et la Tchéquie. 

Ces deux prototypes sont de véhicules électriques compacts : une berline à hayon et un utilitaire. Des batteries de 51 et 69 kWh leur procureraient une autonomie de 340 à 450 km, selon la méthode de calcul européenne WLTP. 

Conçus avec l’aide de l’équipementier allemand EDAG, ces véhicules affichent des traits esquissés par le studio italien Torino Design. Il leur aurait d’ailleurs donné une touche locale, dit-on, grâce à une collaboration du designer automobile polonais Tadeusz Jelec, qui a travaillé pour Jaguar durant 30 années. 

Geely, le fournisseur de la plateforme et de la technologie

Cependant, sous ces séduisantes carrosseries, il manquait un élément crucial : une motorisation électrique et sa quincaillerie informatique. Or, le 17 novembre dernier, ce problème a été résolu par l’entente de partenariat conclue entre EMP et Geely, le septième constructeur en importance en Chine et propriétaire de nombreuses marques connues dont Volvo Cars, Polestar et Lotus. 

Cette entente permettra au constructeur polonais de faire usage de la plateforme SAE (pour Sustainable Experience Architecture) mise au point par Zeekr, une filiale chinoise de Geely spécialisée dans les VÉ. Cette plateforme comprend les composants mécaniques et électriques, et la quincaillerie de gestion informatique nécessaires à son bon fonctionnement. En outre, sa conception modulaire la rend très polyvalente puisqu’elle peut servir à des VÉ ayant un empattement de 1 800 à 3 300 mm.

Pourquoi un fournisseur chinois, et non européen ?

Certains critiques européens qualifient toutefois la décision d’EMP de menace pour l’économie européenne, à une époque où l’industrie chinoise s’installe dans le marché automobile du vieux continent. 

Le récent Mondial de l’automobile présenté à Paris en octobre illustre ce phénomène éloquemment. Boudé par les grandes marques allemandes, ce salon a rempli les espaces laissés vacants grâce aux nombreuses marques chinoises présentes : BYD, Maxus, Ora, Leap Motor, Dongfeng, Great Wall, Seres et Wey, pour ne nommer que celles-là. 

Cette abondance a d’ailleurs poussé Carlos Tavares, grand timonier du groupe Stellantis, à rappeler l’absence de mesures protectionnistes qui pourraient aider l’Europe à contrer l’invasion chinoise actuelle.

Une invasion qui s’opère donc également par les « dessous » de certains véhicules produits localement, comme les Izera. Après tout, EMP aurait tout aussi bien pu choisir un partenaire européen pour sa plateforme. On pense, par exemple, à Volkswagen et sa plateforme MEB, à Williams Advanced Engineering et ses plateformes EVX et EVR ou encore à l’équipementier autrichien Benteler et sa plateforme BEDS.

Quoi qu’il en soit, les Izera seront assemblés dans une usine d’EMP qui sera trouvera à Jaworzno en Silésie, dans le sud du pays. La construction de ces installations, qui devraient procurer du travail à 2 400 personnes, devait commencer en 2021 et les premiers véhicules d’Izera devaient être livrés en 2024. Des retards ont cependant repoussé le début de la construction et, actuellement, on promet les premières livraisons pour la fin de 2025.

Photos : Izera