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Les femmes dans l’angle mort de la sécurité automobile


Tous les êtres humains naissent libres et égaux, n’est-ce pas ? Ce privilège s’estompe cependant lorsqu’ils se trouvent dans un véhicule. L’écart entre les hommes et les femmes se creuse, l’iniquité s’invite à bord. La sécurité a un genre. Elle se décline au masculin.

Les véhicules modernes regroupent une pléthore d’éléments. Certains d’entre eux ont parfois plus d’une vocation. Les sièges en sont un bel exemple. Au-delà de leur design ou des technologies qu’ils abritent, ils jouent un rôle primordial : protéger les passagers lors d’un accident. Il importe toutefois de nuancer ce propos; le degré de protection qu’ils offrent varie en fonction du sexe de son occupant. Cette disparité a été mise en évidence dans de nombreuses études, dont certaines remontent aux années 60.

Les deux côtés de la médaille

La découverte de cette documentation, qui atteste que les femmes sont moins bien protégées que les hommes, a déterminé l’orientation des travaux d’Astrid Linder, ingénieure et directrice de la recherche sur la sécurité routière à l’Institut national suédois des routes et des transports. « Les données vous montreront qu’il y a une différence, mais ne vous diront pas pourquoi », explique-t-elle lors d’une visioconférence. « Afin de comprendre [ces différences], il faut bien sûr que la partie féminine de la population soit représentée. Si vous faites uniquement le test avec l’homme, vos questions demeureront sans réponses. »

Ce désir de comprendre a mené à l’élaboration du premier dispositif d’essai anthropomorphique (anthropomorphic test devices – ADT ou dummy) au monde, qui correspond à la moyenne de la population féminine. Le nouvel outil d’évaluation des sièges SET 50F (Seat Evaluation Tool – 50e percentile – femme), conçu parallèlement avec son équivalent masculin SET 50M, a été dévoilé en 2023. Fruit d’une collaboration à laquelle Volvo et Toyota ont pris part, le duo a ouvert la porte à la création de connaissances biomécaniques inédites.

Au-delà de la taille

Mais avant d’exister « en chair et en os », le dummy femme a fait ses premières armes dans le cyberespace grâce au projet ADSEAT (Adaptive seat to reduce neck injuries for female and male occupants siège adaptatif pour réduire les blessures au cou des occupants féminins et masculins).

Financé par l’Union européenne, en collaboration avec Humanetics, le premier fabricant mondial d’ATD, le programme prend son envol en 2009. Il mènera à la création d’une nouvelle génération de mannequins, basés sur une adulte de taille et de poids moyens (77 kg/170 lb, 175 cm/5,7 pi), d’où émerge EvaRID (Female Rear Impact Dummy), pionnière virtuelle de sa race. Précurseure de SET 50F, elle participe à des essais d’impacts arrière de faible intensité avec BioRID II, son pendant masculin. La question de la protection des occupants peut finalement être abordée dans les deux genres, une première dans les annales des tests de collision.

De concert, le duo contribuera à mettre en évidence l’influence du sexe, et d’autres facteurs, sur le risque de blessure par coup de fouet cervical, aussi appelé whiplash (voir encadré). « Le mouvement se développe de manière très différente en raison des divergences dans la taille et dans la façon dont le siège est occupé », précise Mme Linder. Mais les écarts entre les deux groupes ne s’expliquent pas uniquement par la forme, la taille et la position de conduite des individus. La géométrie de leur bassin diffère, ainsi que leur musculature; le cou des hommes est plus musclé et leur colonne vertébrale, plus résistante. Même la composition interne des os varie de l’un à l’autre.

À la lumière des données recueillies dans le cadre du projet, Mme Linder s’attendait à ce qu’ADSEAT crée un effet d’entraînement. « Le modèle virtuel existait et la suite logique consistait à développer un équivalent physique afin de confirmer par des tests que ce qui a été fait dans les simulations correspond à ce dont nous avons besoin dans le monde réel. Or, ça ne s’est pas produit, du moins à ce moment-là. » Humanetics n’a pas vu l’intérêt commercial de matérialiser la nouvelle venue. Toutefois, l’entreprise propose sa version virtuelle dans son catalogue.

Pour l’heure, SET 50F demeure unique en son genre, mais quiconque voudrait la dupliquer peut accéder librement à toutes les données.

En Amérique du Nord, la National Highway Transport Safety Administration (NHTSA) – une division du ministère des Transports – et l’Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) – un groupe indépendant de recherche sur la sécurité, parrainé par les assureurs automobiles – effectuent des tests de collision. Contrairement à celle de l’Euro NCAP (European New Car Assessment Program), leur liste actuelle d’évaluations n’inclut pas le test du coup de fouet cervical, blessure qui impacte une majorité de femmes. Bien qu’ils existent, ces tests ne sont pas réglementés par les Federal Motor Vehicle Safety Standards (FMVSS), qui dictent les normes de sécurité relatives au design, à la construction et à la durabilité. La conception des véhicules étant directement influencée par les résultats des tests effectués par la NHTSA, l’IIHS et l’Euro NCAP, tout biais dans la manière dont ils sont éprouvés se répercute sur la façon dont ils sont fabriqués. Ainsi, si ces tests ne donnent pas la priorité aux femmes, les constructeurs automobiles n’apporteront pas nécessairement des changements pour mieux les protéger.

Encore aujourd’hui, le dummy homme tient le rôle principal dans la plupart des évaluations réalisées par les divers organismes et les constructeurs. En 1978, époque où le premier ATD entre au service de la NHTSA, le choix d’un modèle masculin allait de soi, puisque les hommes étaient plus nombreux à utiliser ce mode de transport (62,3 % au Québec)[1]. Même si 44 ans plus tard la proportion de femmes titulaires de permis de conduire a presque atteint la parité (48,4 %), elles continuent d’être sous-représentées dans l’équipe de cascadeurs.

Le dummy femme a dû patienter jusqu’en 2003 avant de pouvoir participer aux essais de la NHTSA, mais encore… Bien qu’elle occupe parfois le poste de pilotage, elle est la plupart du temps reléguée au second plan, à titre de passagère. Et, contrairement à son homologue, qui correspond à 50 % des hommes, la version féminine n’incarne que le 5e percentile de sa cohorte. Modèle réduit de son alter ego (dont les mesures datent des années 70), elle arbore tout de même « certains attributs de son sexe ». Celle qu’on proclame porte-parole de son espèce ne mesure que 150 cm (4,11 pi) et pèse 50 kg (108 lb). De dire que son gabarit est désuet serait un euphémisme. Avec ces mensurations, elle possède par contre plus d’un avantage; elle peut personnifier à la fois une femme et un enfant de 12 ou 13 ans !

L’offre et la demande

Mme Linder convient que les technologies ont contribué à rendre les véhicules plus sécuritaires, mais souligne qu’il reste du chemin à parcourir. « Aujourd’hui, je suis consciente que les femmes ne sont pas représentées, peu importe la direction ou la gravité de la collision. […] Je considère comme illogique que la moitié de la population ne soit pas prise en compte. » Elle ajoute que l’intégration d’ADT féminins correspondant au 50e percentile dans les tests constitue une étape cruciale. « Si les deux sexes prennent part aux évaluations, la compréhension du fonctionnement spécifique d’un siège, si l’on parle de siège, s’en trouvera améliorée. » Elle précise toutefois que « la force motrice pour faire avancer les choses et combler l’écart de sécurité entre les hommes et les femmes ne viendra pas de l’industrie. Il faut du leadership et un engagement de la société ». Elle appelle à un effort concerté de l’industrie, des régulateurs et des consommateurs pour assurer une protection égale pour tous.

**

ENCADRÉ (233):

L’inégalité en matière de sécurité pèse lourd à l’échelle planétaire, tant sur le plan humain que sur le plan financier :

  • Les impacts arrière de faible gravité (à une vitesse inférieure à 25 km/h) comptent pour 60 % des accidents.
  • Les coups de fouet cervical (whiplash) qui découlent de ce type d’accident sont les blessures les plus fréquemment signalées dans les demandes d’indemnisation de l’assurance automobile.
  • À bord des véhicules modernes, le risque est presque deux fois plus élevé chez les femmes (7 %) que chez les hommes (4 %)[2]. Elles sont également plus nombreuses à en garder des séquelles.
  • Certains systèmes anti-coup de fouet récemment mis au point ont révélé qu’ils protégeaient moins bien les femmes que les hommes[3].
  • Chaque année, le coup de fouet cervical affecterait environ 800 000 citoyens de l’Union européenne et son impact socio-économique avoisine les 10 milliards d’euros[4].
  • Deb Fischer, sénatrice du Nebraska, a déposé en mai 2024 le projet de loi She DRIVES. Il vise à moderniser les tests de sécurité des véhicules et à imposer l’utilisation de mannequins féminins pour les essais de collision. En plus de sauver des vies et de réduire le nombre de blessures, il permettrait d’économiser des milliards de dollars.

[1] Données et Statistiques 2022, SAAQ

[2] Kullgren et al., 2020

[3] Average male and female virtual dummy model (BioRID and EvaRID) simulations with two seat concepts in the Euro NCAP low severity rear impact test configuration (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28622848/)

[4] Whiplashkommisionen 2005

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