Rétromobile 2025 : Le yacht de route de l’inventeur du bikini se cherche un nouveau capitaine
Non, cette voiture insolite n’est pas un amphibie. Construite pour le créateur du bikini, elle sera une vedette de la vente aux enchères d’Artcurial au salon Rétromobile 2025, à Paris.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce véhicule n’est pas un amphibie. Il s’agit plutôt d’une automobile à vocation promotionnelle construite dans les années 40 à partir d’une Packard pour le créateur du bikini. Elle sera une des vedettes de la vente aux enchères présentée par Artcurial dans le cadre du salon Rétromobile, les 7 et 8 février prochains.
Des autos aux bikinis
Qui penserait qu’un ingénieur de Renault, qui a contribué au développement de modèles aussi importants que la Primaquatre et la Nervasport des années 30, serait à l’origine du plus célèbre des maillots de bain ?
C’est pourtant ce qui est arrivé à Louis Réard. Au lendemain de la Seconde Guerre, il a 50 ans et gère la boutique de lingerie fine que possède sa mère à Paris, sur la rue de Clichy (et plus tard sur l’avenue de l’Opéra). L’ingénieur est devenu créateur de mode et il cherche un moyen d’innover dans le prêt-à-porter pour femme.
Le 5 juillet 1946, Réard convoque la presse parisienne à la Piscine Molitor, un rendez-vous des bien nanti dans le 16e arrondissement. Il présente alors la jeune et jolie Micheline Bernardini, une danseuse du Casino de Paris, vêtue uniquement d’un maillot minimaliste de sa création qu’il a baptisé bikini. Le choix du nom n’a rien de fortuit. Quatre jours plus tôt, la US Navy a largué une bombe atomique de 23 kilotonnes sur le petit atoll de Bikini, dans le Pacifique.
Un formidable outil de marketing
Il faut reconnaître que Louis Réard a le sens du marketing car, deux ans plus tard, il investit une somme qu’on dit considérable dans la fabrication de cette voiture bateau, qu’on appelle aussi la « vedette Réard ». Elle lui permettra de faire des tournées promotionnelles dans les régions balnéaires de la France, pour titiller la clientèle féminine. On la verra aussi au Tour de France, dans des expositions et divers événements mondains, comme les concours d’élégance de l’époque.
La rubrique Mademoiselle Bikini vous parle du 2 novembre 1948, que Réard commandite dans l’hebdomadaire parisien Cinémonde, explique la raison d’être de cette création : « Réard cherchait depuis longtemps une idée publicitaire qui pouvait réunir les plaisirs des vacances et des week-ends, la plupart de ses créations leur étant destinées. Or, pas de vacances sans ‘‘route’’, donc idée : voiture, et pas de vacances non plus sans ‘‘eau’’, donc idée : yacht. Il a réuni ces deux idées en une seule et a fait une voiture-yacht, dont la réalisation a été confiée au carrossier Henri Chapron et, suivant l’habitude, montée sur pneus Dunlop. Ce yacht automobile eut un succès considérable pendant le Salon de l’auto où on pouvait le voir stationner près du métro Champs-Élysées. »
Une Packard cachée sous la coque
Le choix de Henri Chapron peut paraître surprenant. Après tout, le carrossier de Levallois évite généralement l’exubérance, contrairement à ses rivaux de Figoni & Falaschi. Mais pas ici.
Pour cette réalisation, Chapron envisage d’abord d’utiliser le châssis d’une Hotchkiss (une marque française de l’époque), mais il opte finalement pour celui d’une Packard Super Eight 1937. Il sait que son puissant 8-cylindres en ligne de 6,3 L sera mieux adapté à la masse importante de cette imposante voiture.
Car elle a tout d’un yacht de route avec sa proue élancée, de petits hublots, des taquets d’amarrage, un mât et même une plateforme sur son long porte-à-faux arrière, qui permet à des mannequins de s’exhiber en bikini. Dans la plus pure tradition navale, le 1er octobre 1948, sa coque sera même baptisée au champagne !
Partout où elle passe, la voiture bateau attire les foules et suscite l’émoi. Pour ce concept promotionnel, Réard recevra d’ailleurs la Coupe de la Fédération française de la Publicité, un des premiers grands prix toutes catégories décernés dans le cadre du 4e Concours de véhicules publicitaires de Paris.
Encore dans son « jus »
Louis Réard conserve sa voiture bateau jusqu’en mai 1976, huit ans avant qu’il ne décède. Elle est alors vendue à Jacques Vincent, un collectionneur français bien connu du Var, qui la garde jusqu’en 2023, malgré de nombreuses sollicitations d’acheteurs.
Il est intéressant de noter que depuis les années 60, cette voiture a été montrée au grand public une seule fois, lors du salon Rétromobile de 1987. Depuis, elle était retombée dans l’oubli.
On la retrouve aujourd’hui dans son état d’origine avec une valeur estimée entre 250 000 € et 350 000 € (environ 375 000 $ à 525 000 $). Son moteur aurait été mis en marche récemment. L’encanteur admet cependant qu’il serait souhaitable de lui faire subir une révision complète avant d’engager la voiture dans une nouvelle édition du Tour de France !
Photos : Artcurial