Vous avez des questions d'ordre général? Consultez notre section

Vous souhaitez entrer en contact avec un membre de l'Équipe? Consultez notre section

Commande rapide
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Vous désirez commander plus de pièces ?

Si vous devez importer un grand nombre de pièces pour une commande, vous pouvez utiliser ce gabarit et le téléverser sur le site web. Vous devez y entrer une pièce par ligne et soyez certain de garder l'extension de fichier .CSV lorsque vous sauvegarderez votre travail.

Téléverser

Frontenac, la marque canadienne éphémère de Ford

Cette marque a existé durant à peine un an


Le 8 octobre 1959, les concessionnaires Meteor-Mercury dévoilent en grande pompe une nouveauté millésimée 1960. On la destine uniquement aux consommateurs canadiens. Alors, ses créateurs lui ont donné un nom qui se veut aussi patriotique que la feuille d’érable qui orne sa calandre : Frontenac.

Ce choix, John D. King, vice-président et directeur général des Ventes de Ford du Canada, l’explique dans la livraison du 17 septembre de l’hebdomadaire trifluvien anglophone The St. Maurice Valley Chronicle. Il affirme : « La Frontenac sera fabriquée pour répondre à un intérêt croissant des automobilistes canadiens à l’égard d’automobiles ayant une identité canadienne propre. »

Dans la publicité, le constructeur présente cette nouveauté comme une « nouvelle six-places canadienne, de sobres dimensions »; une nouveauté qu’un mot seul suffit à décrire : sensationnel. Il traduit le terme Eventful (mémorable) employé dans les publicités de la langue anglaise.

Au premier coup d’oeil, toutefois, on a vite compris que cette grandiloquence cache un secret de polichinelle. Car au-delà du fait que sa « magnifique grille est exclusive, comme le sont ses ornements en formes de feuilles d’érable », selon la publicité, la Frontenac n’est rien de plus qu’un vulgaire clone de la Ford Falcon 1960. Du véritable copier-coller.

Premières compactes de Ford au Canada

La Falcon, c’est la première voiture compacte du constructeur de Dearborn. Mais, puisqu’au Canada Ford opère deux réseaux de concessionnaires, il lui faut une jumelle : la Falcon servira donc aux concessionnaires Ford-Monarch et la Frontenac aux concessionnaires Meteor-Mercury.

Avec ce duo, Ford espère rallier ces acheteurs qui ont délaissé ses grandes voitures depuis le début des années 50. Ces consommateurs ont opté pour de plus petites voitures provenant en grande partie d’Europe (des « p’tits chars », disait mon vieil oncle Paul-Émile).

Rappelons que les années 50, c’est l’époque où une foule de marques européennes font leur apparition sur notre marché : les marques des consortiums britanniques Rootes et BMC, Renault et Citroën de France, de même que NSU, Borgward et Glas d’Allemagne, pour ne nommer que celles-là.

La championne de ce créneau, vous l’aurez deviné, c’est Volkswagen. Arrivée au Canada en 1953, six ans plus tard, la marque allemande a livré plus de 60 000 véhicules aux automobilistes canadiens. À la fin des années 50, elle détient le tiers du marché des petites voitures.

Le nouveau duo de Ford doit aussi rivaliser avec quelques produits étatsuniens, à commencer par la Rambler American lancée par AMC en 1958 et la Studebaker Lark apparue l’année suivante. De plus, en 1960, Chrysler tente sa chance avec la Valiant, un modèle comparable à la Falcon et la Frontenac, alors que GM lance une compacte qui cible directement la Coccinelle : la Chevrolet Corvair, qui a un moteur arrière refroidi à l’air.

L’engouement pour tous ces produits est tel qu’au tournant des années 50, leurs ventes représentent 20 % de l’ensemble des ventes d’automobiles au pays, selon le Montreal Star.

Grosse comme une Corolla d’aujourd’hui

À son lancement, la Frontenac est offerte sous forme de berline à 2 ou à 4 portes, à l’instar de la Falcon. Quelques mois plus tard, des familiales à 3 et 5 portes s’ajoutent au catalogue.

Longue de 4 597 mm (une berline Corolla mesure 4 630 mm), la Frontenac est beaucoup plus courte qu’une Meteor Rideau 500 (5 428 mm), une grande berline qu’elle côtoie dans la salle d’exposition des concessionnaires appelés désormais Meteor-Mercury-Frontenac. Elle a un nouveau 6-cylindres en ligne de 2,4 L (144 po cu) qui lui donne 90 ch. Il est jumelé à une boîte de vitesses manuelle à 3 rapports avec levier sur la colonne de direction, mais une boîte automatique à 2 rapports figure parmi les options. Pour ce petit luxe que 60 % des acheteurs de Frontenac s’offriront, il aura fallu débourser 175 $ additionnels.

Comparativement au V8 Tempest de 5 4 L (332 po cu) et 225 ch que choisissent bon nombre d’acheteurs pour la Rideau 500, le 6-cylindres de la Frontenac peut paraître chétif. Cependant la motivation de celui qui opte pour une compacte comme celle-là est différente.

Période d’incertitude

La prospérité des années d’après-guerre au Canada est teintée d’une dose d’incertitude engendrée par de nouveaux conflits armés (Guerre de Corée, révolution cubaine, etc.); un climat que la crise de Suez, qui éclate en 1956, vient chagriner davantage en causant une hausse du prix de l’essence. Certains médias évoquent même le spectre d’un rationnement !

Voilà une raison qui explique ce changement d’allégeance de certains automobilistes canadiens, tout particulièrement des Québécois, qui se tournent vers les petites voitures. Ces acheteurs recherchent un véhicule moins gourmand en carburant, mais aussi moins coûteux à l’achat.

Or, la Frontenac répond à ces deux attentes. Le constructeur fait miroiter une consommation pouvant atteindre 8 L/100 km (35 mi/gal). Cette cote paraît cependant un brin jovialiste lorsqu’on consulte l’édition annuelle consacrée par le périodique américain Consumer Reports aux autos de 1960. On y découvre que la consommation d’une Falcon (donc sa jumelle aussi) gravite autour de 9,5 à 10 L. C’est beaucoup plus que les 7 L/100 km d’une Coccinelle, certes, mais par rapport aux 15 L/100 km qu’avalent goulûment les grandes berlines typiques de l’époque selon ce magazine (celles qui ont V8), le duo Falcon/Frontenac demeure plus désirable.

Côté prix, la berline Frontenac à 2 portes est proposée à partir de 2 360 $ et la 4-portes à partir de 2 432 $. Ces prix s’avèrent plus abordables que celui, par exemple, d’une Meteor Rideau 500 de base, qui est offerte à partir de 2 861 $. Pour le consommateur de l’époque, cet écart de 501 $ est substantiel. Après tout, le salaire moyen d’un Canadien à cette époque est 16 000 $.

Succès instantané

La Frontenac arrive à point puisque Ford en produit 9 536 à son usine d’Oakville, en Ontario, sur la même chaîne s’assemblage qui livre 17 152 Falcon durant la même période. Ce duo réussit d’ailleurs à se hisser au sommet du palmarès des ventes des compactes au pays, en 1960.

Dans ce contexte, il est logique que Ford ait mis en chantier une Frontenac 1961. Un prototype est même construit et mis à l’essai. Mais il n’atteindra jamais le stade de la production.

Comme le suggère l’historien canadien Perry Zavitz dans son ouvrage magistral Canadian Cars, 1946-1984, le succès de la Frontenac aux côtés de la Falcon a sans doute convaincu les stratèges de Ford, du moins ceux qui étaient encore incrédules face à la popularité montante des compactes, de l’importance d’en offrir une au sein de la gamme Mercury.

Or, cette voiture est lancée en mars 1960, mais aux États-Unis seulement. C’est la Mercury Comet, un berline qui reprend en partie l’architecture et la motorisation de la Falcon avec une carrosserie d’allure très différente. En 1961, elle éclipse la Frontenac chez des marchands qui redeviennent les concessionnaires Meteor-Mercury ! La jumelle de la Falcon qui avait emprunté le nom du célèbre gouverneur de Nouvelle-France disparaît aussi rapidement qu’elle est apparue sur le marché.

Une perle du français d’alors…

La lecture de la publicité créée pour la Frontenac 1960 permet de redécouvrir le français d’il y a 60 ans avec ses petites perles. Nous en prenons pour témoin cette description détaillée de la « réchauffeuse » de cette berline, qu’on peut lire dans une publicité publiée dans La Presse du 30 octobre 1959 :

« Sa réchauffeuse est-elle assez puissante pour les hivers canadiens ? Au cours d’essais, la réchauffeuse de la Frontenac a entièrement libéré le pare-brise d’une couche de givre d’un quart de pouce, en 8 minutes, départ à froid. Elle est aussi facile à régler que le thermostat de votre fournaise. Elle est silencieuse et très efficace. »

Photos : Archives Auto Diffusion et BAnQ.

Articles similaires